Vous vous souvenez sûrement de la série « Daria », diffusée initialement entre 1997 et 2002. Les cultures populaires ont leurs « icônes », personnages hauts en couleur voire porte-étendard, comme on parle « d’icônes gay »… On peut légitimement considérer l’adolescente comme une icône des surdoués. Explications…
Daria nous a fait rire jaune au début des années 2000 quand ce feuilleton est arrivé en France sur une chaîne à péage qui n’avait pas encore été « bollorayée » du PAF… Et le profil de l’adolescente a de quoi interpeller qui s’intéresse aux problématiques des surdoués. Taciturne, blasée, sarcastique, la petite brune a une vision de la vie bien amère. Souvent, la justesse de ses prises de parole n’a d’égal que la violence de sa lucidité… Ses saillies assassines sont d’ailleurs le principal ressort comique de la série.
Daria n’est pas une fille comme les autres. Elle préfère la littérature au sport et se fiche bien de l’image qu’elle renvoie derrière ses grosses lunettes rondes. Elle méprise cordialement sa petite sœur Quinnie dont les préoccupations se résument justement à tout ce qui relève du superficiel… Froide, voire glaçante, un peu passive-agressive mais surtout sans filtres, Daria évolue dans le monde comme une extra-terrestre qui se serait trompée de planète, comme une scientifique en phase d’observation, comme une éthologue dans un zoo…
Daria n’est pas non plus le genre de fille dont tout le lycée risque de tomber amoureux. Elle laisse volontiers ce rôle à Brittany, la pom-pom girl qui n’a d’yeux que pour son petit-ami footballeur… (les deux sont à désespérer de l’humanité…). Daria a quand même une amie, mais une seule : Jane, artiste-peintre en Doc Martens montantes comme sa copine. Ensemble, elles peuvent se confier et échanger, parler de leurs passions partagées (culture, politique…) ou se délecter de leur émission de trash-télé préférée, « Triste Monde Tragique »… A force de voir le monde avec un regard acéré, on a besoin d’augmenter les doses…
« You’re standing on my neck… »
Nul doute qu’à l’époque de sa diffusion, beaucoup de téléspectateurs ont plutôt vu chez Daria une ado mal dans sa peau, une rebelle dont on pourrait dire « qu’avec le temps, ça lui passera ». Mais qui s’intéresse à la question du haut-potentiel aura perçu autre chose… Et il ne s’agit pas juste d’une vision de l’esprit. Daria est plus « intelligente » que les autres personnages dont la bêtise est désespérante, c’est entendu. Mais au lancement de la série, la notion de surdon était déjà dans l’esprit des scénaristes : dans un épisode, Daria est testée et diagnostiquée ! Elle visitera même un établissement spécialisé et ne manquera pas de dire bien du mal de ses homologues, pourtant brillants !
Si le surdon de Daria n’est pas rappelé à chaque épisode, la série mérite d’être revue à la lueur de cette information. Alors, bien-sûr, tous les surdoués ne sont pas comme Daria. Mais son personnage est une bonne illustration du pli particulier que peut prendre le haut-potentiel, a fortiori quand il arrive dans l’âge adulte.
Enfin, si Daria nous touche, c’est parce que, forte de son recul, elle dénonce avec panache les failles de la société. A commencer par ses figures tutélaires : parents à côté de la plaque, système éducatif en décrépitude, conventions sociales désuètes… Daria vient nous dire « sa » vérité, celle qui la brûle. Une vérité crue, pas toujours réjouissante, issue de sa lucidité, cette « blessure la plus rapprochée du soleil… » Il est des surdoués qui s’interrogent sur leur vocation. Daria a assurément trouvé la sienne… On a hâte de la voir multiplier les punchlines dans une Amérique qui a connu Trump comme président et même la société actuelle…
Daria en plein « syndrome de Cassandre »…